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Critique sur le documentaire de Netflix « You are what you eat: a twin experiment »

01 avril 2024 - Par Anick Vézina

Temps de lecture 10 minutes

As-tu vu le nouveau documentaire de Netflix sur l’étude faite avec les jumeaux sur l’alimentation et la santé? C’est ce que me demandent une multitude de personnes depuis que le fameux documentaire est sorti en janvier 2024. Ce dernier s’intéresse à l’impact d’une transition vers une alimentation exclusive à base de plantes. À titre de nutritionniste, je me suis donc penché sur le sujet! De quoi est-il vraiment question dans ce documentaire? L’alimentation végétale et ses bienfaits potentiels sur la santé est-elle aussi miraculeuse qu’on le dit? Explorons un peu la question en révisant les propos du documentaire.

Le documentaire et l’étude menée sur des jumeaux

La courte série de quatre épisodes fait office de plaidoyer pour l’adoption d’une alimentation à base de plantes, d’une part pour ses bienfaits sur la santé humaine et d’autre part pour ses avantages du point de vue environnemental. Une équipe de chercheurs californiens fait état des démarches et résultats d’une étude menée sur 21 paires de jumeaux identiques adultes. L’un des jumeaux se fait aléatoirement assigner à une alimentation saine omnivore (incluant des produits d’origine animale et végétale), alors que son jumeau se fait offrir un menu exclusivement végétalien (complètement exempt de produits animaliers, ce qui exclut la viande, volaille, poisson/fruits de mer, œufs, produits laitiers et miel).

L’étude s’est déroulée en deux phases. La première, durant laquelle les participants se sont fait livrer des plats sains de la maison, puis une deuxième phase, où les participants étaient autonomes dans leur façon de choisir et de cuisiner leurs aliments. Cela a donc permis aux chercheurs d’évaluer les changements dans un contexte d’abord plus contrôlé, puis dans un contexte de « vraie vie » où chacun choisi et cuisine ses aliments.

Plusieurs thématiques incluant la santé cardiovasculaire, le poids/la composition corporelle, le microbiote intestinal et la longévité ont été évaluées au cours de l’étude. À la fin du documentaire de Netflix, la prise de position parait assez unanime. C’est la victoire écrasante de l’alimentation à base de plantes sur la grande majorité des thématiques.

L’effet du sensationnalisme

Ceux qui ont déjà vu « Game Changer », « Cowspiracy » et « Seaspiracy » comprendront la mise en garde de l’effet de sensationnalisme souvent utilisé dans ce genre de documentaires à large portée. Les analogies effrayantes, les statistiques chocs, les témoignages grandioses de multiples personnalités connues sont de la partie. Le documentaire dont il est question ici n’y fait pas exception. Les scientifiques, médecins, biologistes, défenseurs de la cause animale, chef cuisiner de haute renommée, le maire de New York ont tous des propos pour nous convaincre. Est-ce à dire que les propos véhiculés sont frauduleux et complètement faux? Pas nécessairement! Toutefois, sont-ils par moment amplifiés dans le but de nous convaincre davantage? Parfois oui! Voici un exemple :

  • Statistique mentionnée dans le documentaire : le secteur de l’agriculture animale contribue à 20% des émissions totales de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale, ce qui représente plus que le 14.5% attribué au secteur des transports, tous modes de transport confondus.
  • Reformulation sans l’effet « amplifié »: Le secteur de l’agriculture (incluant l’utilisation des terres pour toutes les cultures, déforestation, animaux d’élevage) contribue à 18.5% des émissions globales de gaz à effet de serre. Au sein de cette tranche de 18.5%, les animaux d’élevage contribuent à 31%. Vous voyez la nuance?

La conclusion à tirer ici : oui, l’industrie de la viande contribue de façon significative à la pollution atmosphérique et on tirerait profit de réduire notre consommation de viande, mais ATTENTION à l’interprétation des chiffres qui cherchent à impressionner.

L’effet de convaincre par la peur

Une autre tactique souvent observée dans ce genre de documentaire est de tenir des propos qui font peur afin d’être plus convaincants. Quelques exemples à mettre en valeur ici :

  • Le saumon d’élevage souillé de bactéries, virus, parasites, métaux lourds et microplastiques.
  • La statistique du 20% des volailles vendues contaminées par la bactérie E.coli et qui risque de contaminer vos cuisines au grand complet.

Encore une fois, l’idée n’est pas de réfuter ces dires complètement, mais plutôt d’amener plus de nuances aux propos, qui sont amenés dans une optique effrayante pour mieux convaincre. Vous ne serez pas empoisonnés à coup sûr si vous mangez du saumon une fois par semaine. L’idée toutefois d’inciter une réflexion sur l’impact de l’agriculture de masse animale/marine et de ses impacts sur la santé/diversité des écosystèmes est pertinente.

Conclusions de l’étude – L’alimentation à base de plantes et ses effets potentiels bénéfiques sur la santé

Pour en revenir à l’étude sur les jumeaux et à ses résultats, quels sont les conclusions pertinentes et statistiquement significatives qui valent la peine d’être mises en lumière? Voici quelques conclusions intéressantes :

Les jumeaux ayant suivi une alimentation exclusivement végétalienne pendant 8 semaines ont constaté :

  • Leur taux de cholestérol LDL (« mauvais cholestérol ») diminuer de 10% en moyenne, en comparaison avec le groupe omnivore pour qui ce paramètre n’a pas changé. Ce résultat vient corroborer d’autres études de haute qualité déjà faites dans le passé ayant donné de mêmes résultats et laissant croire que l’adoption d’une alimentation à base de plantes aide à réduire les risques de développement de maladies cardio-vasculaires.
  • Une perte de poids plus importante (7.5 lb) comparativement au groupe omnivore (1.1 lb), possiblement dû au fait que l’alimentation à base végétale était plus riche en fibres alimentaires et moins dense en calories selon les données récoltées auprès des clients.
  • Des niveaux de glucose sanguin et d’insuline davantage réduits dans la circulation sanguine comparativement au groupe omnivore, probablement secondaire à la perte de poids plus importante et aux apports en fibres plus élevés dans l’alimentation.

Méthodologie de l’étude : Ses forces et ses failles

L’étude menée comporte des avantages, mais aussi des limites qui valent la peine d’être nommées et considérées dans l’interprétation des résultats.

Avantages

  • Les paires de jumeaux identiques recrutés pour l’étude a permis de contrôler le facteur génétique, qui est habituellement difficile à contrôler dans un contexte de recherche.
  • Avoir deux phases dans l’étude a facilité l’adhésion aux changements alimentaires d’abord (repas fournis à la première phase), puis de tenir compte d’un contexte de « vraie vie » par la suite quand les participants ont préparé leurs repas de façon autonome à la phase deux.

Limites

  • L’étude faite à très court terme empêche d’appliquer les résultats sur une période de plus de 8 semaines.
  • La population étudiée était des adultes en santé. Les résultats ne sont donc pas applicables à une population avec des enjeux de santé (ex. diabète, maladies cardiaques).
  • Deux conflits d’intérêt potentiels ont été mentionnés par les auteurs de l’étude, pouvant nous laisser croire qu’un parti était pris d’avance pour l’alimentation végétale.

En gros…

Après avoir vu le documentaire de Netflix, si vous êtes intéressés à en savoir plus sur l’alimentation à base de plantes ou cherchez à réduire votre consommation de produits animaliers, voici cinq conseils à retenir :

  1. Allez à votre rythme! Les impacts positifs sur la santé/l’empreinte écologique seront présents même si vous ne faites pas un changement drastique ou complet d’un coup, et seront plus durables sur le long terme!
  2. L’adoption d’une alimentation sans viande n’est pas nécessairement synonyme de « santé ». Gardez en tête qu’une consommation régulière et prédominante de produits ultra-transformés, animaliers ou non, n’amènera pas les bénéfices espérés sur la santé.
  3. Développez votre niveau de connaissances sur les thématiques avez lesquelles vous vous y connaissez moins (la cuisine avec des aliments à base de plantes, la nutrition végétalienne avec une nutritionniste, lectures et documentaires pour en apprendre plus sur l’impact environnemental d’une alimentation exempte de produits animaliers, etc.)
  4. Développez votre pensée critique. Apprenez à remettre en question ce que vous entendez et lisez et identifiez les sources d’informations fiables.
  5. Gardez l’esprit ouvert. Découvrez les aliments d’origine végétale même si vous souhaitez maintenir les produits animaliers dans votre alimentation.

 © Image tirée de Netflix

Références

  • Gehring, J., Touvier, M., Baudry, J., Julia, C., Buscail, C., Srour, B., … & Allès, B. (2021). Consumption of ultra-processed foods by pesco-vegetarians, vegetarians, and vegans: associations with duration and age at diet initiation. The Journal of nutrition, 151(1), 120-131.
  • Jenkins, D. J., Kendall, C. W., Marchie, A., Jenkins, A. L., Connelly, P. W., Jones, P. J., & Vuksan, V. (2003). The Garden of Eden—plant based diets, the genetic drive to conserve cholesterol and its implications for heart disease in the 21st century. Comparative Biochemistry and Physiology Part A: Molecular & Integrative Physiology, 136(1), 141-151.
  • Landry, M. J., Ward, C. P., Cunanan, K. M., Durand, L. R., Perelman, D., Robinson, J. L., … & Gardner, C. D. (2023). Cardiometabolic Effects of Omnivorous vs Vegan Diets in Identical Twins: A Randomized Clinical TrialJAMA Network Open6(11), e2344457-e2344457.
  • Mayra, S., Ugarte, N., & Johnston, C. S. (2019). Health biomarkers in adults are more closely linked to diet quality attributes than to plant-based diet categorization. Nutrients, 11(6), 1427.
  • Ritchie, H., & Roser, M. (2023). Sector by sector: where do global greenhouse gas emissions come from?. Our World in data.
  • Sherwood-Martin, H. (2024). You Are What You Eat: a Twin Experiment. The Lancet Gastroenterology & Hepatology9(4), 297.
  • Stern, N. H. (2007). The economics of climate change: the Stern review. Cambridge University press.
  • Wang, F., Zheng, J., Yang, B., Jiang, J., Fu, Y., & Li, D. (2015). Effects of vegetarian diets on blood lipids: a systematic review and meta‐analysis of randomized controlled trials. Journal of the American Heart Association, 4(10), e002408.

Critique sur le documentaire de Netflix « You are what you eat: a twin experiment » est un billet publié par Nautilus Plus. Le blogue Nautilus Plus vise à aider les gens dans leur cheminement de mise en forme à travers des articles sur l'entraînement, la nutrition, la motivation, des exercices et des recettes santé.
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